Texte co-écrit avec Daunik Lazro pour le disque neigen (2020)
≪ neigen ≫, du verbe allemand : tendre vers.
En tant qu’improvisateurs nous aspirons a l’imprévisible, dans une relation de confiance réciproque. Chacun, arc-boute sur l’instant, est habité par la mémoire d’innombrables musiques jouées, entendues, rêvées. Et déterminé par la pratique instrumentale, l’expérience acquise, ainsi que par un instinct et une pensée propres. Cette tension implique de savoir déjouer certains écueils et chausse-trapes déjà repérés, d’éviter de refaire le déjà-dit. Les trouvailles, comme pépite à l’orpailleur, adviennent par surprise, par chance, car l’invention ne se décrète pas. D’où : rester attentif à ces précieuses épiphanies.
Tendre vers ces moments suspendus ou l’on s’abandonne à cette magie qui nous traverse, dont nous devenons les récepteurs, les corps conducteurs. Cultiver l’appétence pour ces plateaux d’intensité ou l’on expérimente, parfois de manière fugitive, une connexion intuitive entre musiciens relies par un fil d’ordre télépathique.
« neigen », from the German verb: to tend towards.
As improvisers we aspire to the unpredictable, in a relationship of mutual trust.
Each one, braced in the moment, is inhabited by the memory of countless music
played, heard, dreamed of. Determined by instrumental practice, acquired experience,
and by instinct and thought of one’s own.
This tension implies knowing how to overcome certain pitfalls and traps already
identified, to avoid repeating the already said. Finds, like a gold miner’s nugget,
come by surprise, by chance, because the invention cannot be decreed. Hence: to
remain attentive to these precious epiphanies.
Strive for those suspended moments where we surrender to this magic that runs
through us, of which we become the receivers, the conducting bodies. Cultivate an
appetite for these intense plateaus where one experiences, sometimes fleetingly, an
intuitive connection between musicians linked by a telepathic thread.